MODULER LA PÉRIODE SÈCHE, UN LEVIER SOUVENT NÉGLIGÉ
Huit semaines pour maximiser la production, ou plus court pour assurer un confort métabolique et s'adapter à une conduite économe. Les éleveurs ont cette possibilité de manipuler sans risque les lactations pour répondre à leur objectif.
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QUELLE EST LA DURÉE DE TARISSEMENT OPTIMALE ? Huit semaines ? Quatre ou cinq semaines ? Et pourquoi pas une absence de tarissement ? Éliminons d'emblée cette dernière hypothèse qui dégrade excessivement la production laitière de la lactation suivante et surtout le niveau des infections mammaires, car l'application d'un traitement antibiotique est rendue difficile. En outre, la qualité du colostrum est fortement affectée.
Une période sèche de huit semaines est la plus communément admise. C'est d'ailleurs ce qui se pratique le plus fréquemment dans les élevages. Un temps suffisamment long pour permettre la croissance et le renouvellement des tissus de la mamelle, et s'assurer ainsi d'une expression du potentiel de production sur la lactation suivante. Mais est-ce vraiment là votre unique objectif ?
RACCOURCIR OU PAS LE TARISSEMENT
Diminuer la durée de tarissement à quatre ou cinq semaines aura un effet négatif sur l'expression du pic. En contrepartie d'une production de lait réduite, cette stratégie augmente significativement les taux de matière utile sur les deux lactations adjacentes (fin de lactation prolongée avec des taux élevés et moins d'effet de dilution sur la suivante). Le tarissement court permet aussi une moindre régression du rumen, donc de la capacité digestive. Associé à un pic de production plus faible, on limite ainsi les risques de troubles du métabolisme énergétique (acétonémie, stéatose, etc.) et de la reproduction. Il faut ajouter qu'une période sèche réduite à quatre ou cinq semaines permet de distribuer une ration unique aux vaches taries, incorporant la ration de base des laitières, complétée par des fourrages fibreux. Cette conduite en un seul lot simplifie le travail tout en garantissant, sans stress, le développement des papilles et de la flore microbienne du rumen pour la lactation suivante. Mais raccourcir le tarissement, c'est aussi traire les vaches un mois de plus. « Le nombre de vaches présentes à la traite est augmenté de 10 %, soit environ 60 heures de travail d'astreinte supplémentaire par an », note Francis Sérieys, du bureau d'étude-conseil Filière Blanche (voir encadré).
Alors quelle durée de tarissement choisir en fonction de ses objectifs technico-économiques ?
- Huit semaines pour tout le troupeau : dans un contexte où il faut maximiser les productions individuelles, c'est une stratégie cohérente. Cela impose d'avoir impérativement deux lots de taries avec deux régimes alimentaires. Le premier à faible concentration énergétique pour éviter un engraissement excessif, le second qui prépare la vache à son régime de lactation. Dans cette situation, les risques de maladies métaboliques et d'une reproduction altérée demeurent. « Il est recommandé d'accompagner ce tarissement long avec une mise à la reproduction retardée pour les primipares et les très hautes productrices en visant un intervalle vêlage-vêlage (IV-V) de 14-18 mois, souligne Francis Sérieys. Ainsi, les animaux produiront moins de lait au moment de l'arrêt de la traite, réduisant ainsi les risques d'infections mammaires. Cela leur laisse aussi le temps de refaire des réserves pour arriver au tarissement avec une note d'état corporel correcte (entre 2,5 et 3,5). »
- Quatre à cinq semaines pour tout le troupeau : cette stratégie se justifie dans des systèmes économes où les animaux doivent s'adapter à la disponibilité fourragère, quitte à ne pas exprimer totalement leur potentiel de production. Le coût supplémentaire induit par un nombre de vaches plus élevé peut être compensé par de meilleurs taux, moins de problèmes sanitaires donc un taux de réformes inférieur. La conduite alimentaire des taries est en outre simplifiée. « Un tarissement court augmente la proportion de jours productifs par jour de vie des animaux, mais aussi la durée de la vie productive des animaux du fait d'une réduction du taux de réforme involontaire », précise Francis Sérieys
- Individualiser la durée du tarissement : c'est peut-être la méthode la plus judicieuse, à condition que les contraintes d'organisation du travail le permettent (deux régimes alimentaires à programmer). Cette solution a l'avantage de s'adapter à l'utilisation d'une ration complète en lissant les écarts de production entre vaches. L'objectif est de pratiquer un tarissement réduit ciblé sur les multipares très hautes productrices et celles qui présentent un risque de troubles métaboliques ou de reproduction : NEC élevée en fin de lactation ou antécédents. « Les primipares qui arrivent souvent amaigries à la fin de leur première lactation tireront le meilleur parti d'une mise à la reproduction retardée suivie d'un tarissement long, explique Francis Sérieys. La durée du tarissement est un levier souple pour jouer sur le potentiel de production et la capacité d'ingestion de l'animal en fonction d'un objectif ou de contraintes. Cela ne coûte rien et c'est parfaitement réversible d'une lactation à l'autre. »
ORGANISER L'ARRÊT DE LA TRAITE
Afin de limiter le risque d'infections mammaires, il est recommandé de ramener le niveau de production en dessous de 15 litres par jour. Si ce n'est pas le cas, dois-je organiser un tarissement progressif ou rester sur un tarissement brutal ? La première solution privilégie la santé de la mamelle mais est assez pénible à mettre en place.
L'arrêt des concentrés pendant la dernière semaine de lactation contribue à réduire la production de lait. Sur les plus fortes productrices, on peut éventuellement y associer une monotraite journalière. « Mais il est fortement déconseillé de remplacer brutalement la ration de base par des fourrages fibreux ou de limiter l'abreuvement. Ce stress alimentaire a des conséquences désastreuses sur les infections mammaires », insiste Francis Sérieys. Comme pour la durée du tarissement, l'individualisation des vaches peut être une solution intermédiaire entre prévention des infections mammaires et contraintes pratiques. L'arrêt progressif (suppression d'une traite sur deux pendant la dernière semaine) est alors réservé aux plus hautes productrices, présentant des risques de perte de lait. Récemment, un médicament injectable, le Vélactis, réduit l'engorgement de la mamelle après le tarissement. (voir L'Éleveur laitier n° 245) « C'est un outil supplémentaire intéressant pour un tarissement brutal que je réserverais aux vaches produisant plus de 15 kg au moment du tarissement, d'autant plus qu'elles ont des antécédents de perte de lait. »
DOMINIQUE GRÉMY
Pour approfondir vos connaissances sur cette période clé du tarissement chez la vache laitière, Francis Sérieys a publié un ouvrage aux Éditions France Agricole. Il aborde tous les aspects de la physiologie et de la conduite zootechnique des vaches, de l'arrêt de la traite jusqu'au vêlage. Disponible sur www.lagalerieverte.com 304 pages, prix : 49 €.
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